Réforme 100% santé : pourquoi les professionnels s’inquiètent

07/07/2021
Thumbnail [16x6]

Incluse dans la loi de financement de la Sécurité sociale de 2019, la réforme du 100% santé ou 0 RAC (reste à charge) fait débat. Si elle annonce pour certains assurés l’ouverture à des soins qu’ils ne pouvaient pas se payer, elle sème la panique chez les professionnels qui craignent pour la pérennité de leur secteur. 

Le gouvernement présentait cette réforme comme le fruit d’une concertation avec les professionnels qui semblaient trouver leur compte dans l’arrivée massive de nouveaux clients sur leur marché, alors que craignent-ils vraiment ? quels bouleversements entraine cette réforme ? voici quelques points pour mieux comprendre les enjeux du débat.

 

Audio, optique, dentaire : une nécessité pour tous les Français

À partir du 1er janvier, l’achat de prothèses audio, optiques et dentaires pourra se faire sans reste à charge pour les patients. C’est une véritable révolution pour tous ceux qui se refusaient jusque-là l’achat de lunettes à la bonne correction, la pose de couronnes ou l’appareillage en particulier pour les personnes âgées. Ce que promet la réforme c’est une gamme de prestations ciblées, n’engageant aucune dépense supplémentaire pour les assurés. Et les chiffres l’attestent : les Français en ont besoin puisque plus de 2/3 d’entre eux ne peuvent pas entendre correctement, près d’1/5 ne peuvent accéder aux prothèses pour leurs dents, 1/10 ne peut pas s’équiper correctement en optique. 

L’objectif de permettre cet accès étendu aux soins de base parait donc une nécessité pour les Français ne pouvant y accéder par leur complémentaire santé ou la CMU. 

 

Une offre complète qui coûte cher

Ce qui est prévu par la réforme, c’est de proposer une offre de référence, c’est-à-dire un équipement de base, dit « standard » défini en concertation avec les professionnels et le gouvernement et pris en charge par la Sécurité sociale et les complémentaires santé. Le budget prévu d’ici à 2023 est déjà estimé a 1 milliard d’euros.

Si l’offre n’est pas obligatoire, laissant aux patients qui préfèrent un produit plus sophistiqué payer le supplément ou basculer l’argent prévu par exemple pour des verres sur des montures plus luxueuses, il est à prévoir que beaucoup se laisseront tenter par l’offre standard. Celle-ci prévoit pour l’optique 17 modèles de monture en 2 coloris différents et 2 verres traitant toutes les corrections ; pour l’audio c’est une sélection complète de prothèses avec au minimum 12 canaux de réglage et les fonctionnalités anti-acouphène, réducteur de bruit du vent, Bluetooth ; pour le dentaire beaucoup de soins préventifs et des prothèses. 

Les inquiétudes de la filière 

Ce que craignent les professionnels, c’est la pression qui va être exercée sur les prix des équipements en sachant que l’offre standard est « gratuite » pour les patients. Cet encadrement des prix risque de bousculer l’activité économique de leur secteur dans la mesure où tous les professionnels ne pourront pas l’absorber.

Ce qui s’annonce inévitablement pour eux c’est une chute spectaculaire des prix : prenons l’exemple d’un appareil audio coûtant environ 1500€ aujourd’hui, il est à prévoir que dans un an le prix plafond d’une aide auditive entièrement remboursée par la Sécurité sociale et la mutuelle tombera à 950 euros. Il y aura donc forcément une baisse des prix et des marges. Cette baisse-là ne pourra être compensée que si des volumes largement supplémentaires sont générés, ce qui crée une véritable appréhension.

Si le taux d’équipement reste faible en en France et notamment dans l’audio où 1/3 seulement des malentendants sont appareillés, il reste un énorme travail de sensibilisation à effectuer car le frein psychologique est très important et n’a pour l’instant pas été soulevé.

Pour l’optique, le défi est tout autre : on envisage une augmentation de volumes de 4,2% mais avec un recul en valeur de 2,1% car la réforme se double d’une baisse du plafond de remboursement des montures, qui passe de 150 à 100 euros. Les opticiens qui font moins de 2 % de résultat par an seront ainsi extrêmement fragilisés par la réforme et ils représentent tout de même 1500 magasins soit 1 entreprise sur 5 ! c’est donc sans doute pour l’optique que la pilule sera la plus dure à avaler.

Enfin tout secteur confondu, l’inquiétude porte sur la qualité de la prestation : travail à la chaîne pour certains et importation massive d’équipements chinois pour la plupart...